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5 septembre 2018

L'Aaid : Entre pratiques Culturelles et Religieuses - (Deuxième partie)

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Par : Louiza Zahra 

 

Les pratiques culturelles regroupent des variables qui caractérisent un groupe d’individus, leurs façons de sentir, de s’exprimer, de penser, et d’activités, partagées par ces individus afin de marquer leurs appartenances à un tel ou tel groupe, ces variables s’expriment sous forme de croyances, d’institutions, de coutumes, des arts et des traditions… etc.

Dans la société berbère, particulièrement kabyle, où la diversité religieuse n’est pas négligeable les gens célèbrent cette occasion autrement, c’est-à-dire : ils dépassent le caractère religieux de la fête pour faire régner un caractère culturel qui pourra réunir toutes la communité kabyle. Pour cet article je prends l’exemple du village d’Ighil Oumced ; Ce village se trouve dans la commune de Chellata daira d’Akbou au sud wilaya de Bejaia, Ighil Oumced est l'un des villages les plus denses de la basse Kabylie. La population d'Ighil Oumced est estimée à 6000 habitants.

La prière de I'Aïd el-kébir commence très tôt dans la matinée à la mosquée du village. Cette prière dure environ une heure, de loin on entend des voix masculines qui s'élèvent comme un chœur, en répétant Allah w'akbar, La illaha ila Allah (Dieu est grand, il n'y a de dieu qu’Allah) pendant ce temps les femmes rendent visitent aux cimetières toutes munies de gâteaux et des bonbons qu’elles distribuent sur le chemin comme un acte de charité dédié aux âmes des défunts de la famille. Cet acte symbolise le maintien du lien entre les vivants et les morts. Cette fête renouvelle périodiquement les croyances et les mythes fondateurs de ces villageois, permettant ainsi de relier le présent au passé et d’inscrire les membres de la communauté villageoise dans une histoire qui les dépassent en tant que personne.

Pendant que les adultes se livrent à leurs devoirs, les enfants se préparent pour la fête, ils se vêtent de leurs plus belles tenues souvent neuves achetées spécialement pour cette occasion. Pauvres et riches, ce jour sont tous égaux, tous beaux, tous rassasiés. Le pauvre ne se sent pas exclu, chaque enfant se sent unique, privilégié, l’enfant prend plus de confiance en soi. Cette occasion favorise la cohésion et l’homogénéité du corps social. Toutes les différences disparaissent ou presque.  Les villageois s’entraident et dans certains villages, les habitants organisent «Timechret » un rituel qui consiste à rassembler tous les gens du village et abattre des vœux et partager la viande entre les villageois afin que tout le monde en profite.

La prière est arrivée à sa fin, les fidèles sortent de la mosquée, les amis, les parents et même les non musulmans (chrétiens ou sans religion) se réunissent, s’embrassent en s’échangeant les souhaits de bonne fête en implorant Dieu de leur pardonner leurs péchés. Cette fête renforce symboliquement le sentiment d’appartenance à ce groupe soit ethnique culturel ou religieux, dans le cas, au village Ighil Oumced le caractère d’appartenance dominant c’est le caractère ethnique et culturel du moment que les non-musulmans participent à la célébration de cette fête. Dans chaque foyer des gâteaux confectionnés à cette occasion mais à la fête de Aïd elkbir on évite de trop en faire, c’est la fête de la viande comme certains l’appellent. Les makrout, Grawech, Amezough, encore des gâteaux secs sont au rendez-vous.

Le grand moment arrive, le moment de l’immolation de la bête. Généralement la femme choisit la place ou devrait se dérouler ce rituel, le trou de l’évacuation des eaux dans la cour de la maison est souvent privilégié, sinon au jardin devant la porte qui donne sur la maison, ce choix n’est pas fortuit, cet acte révèle une pensée symbolique, ce trou des eaux est considéré comme la demeure des mauvais esprits et la porte comme l’entrée des humains et des esprits du mal. Comme nous avons déjà souligné dans l’article précédent les berbères se protègent de ces esprits malins avec les offrandes et le sang des bêtes, des pratiques païennes héritées de nos ancêtres. 

Le sacrificateur souvent quelqu’un de la famille expérimentée désigné par le sacrifiant, il n’est pas nécessairement de confession musulmane (cela n’est qu’un détail pour les villageois) le plus important qu’il maitrise la technique d’égorgement. Ce moment est décisif, le côté licite repose sur cet instant si ce geste est raté il sera considéré illicite et n'est plus en mesure d’assurer le côté sacré de la fête. Pour ne pas rater cette opération délicate la lame doit être bien aiguisée pour trancher la gorge et les deux carotides d'un seul geste pour épargner les souffrances au mouton.

Les femmes nettoient sur place le sang écoulé, dans certaine famille cette tâche est confiée à l’homme. Les hommes s’occupent de l’écorchage et retirent les entrailles de la bête, leur mission donc terminée. Pendant cette opération les familles reçoivent les proches, les voisins et les gens du village mêmes ceux considérés comme étrangers pour souhaiter une bonne fête aux femmes dans leurs demeures. Cette occasion permet une ouverture entre des espaces habituellement séparés par la tradition et la coutume où l’homme étranger à la famille n’a pas accès au domicile familial sans la présence du chef de la famille ou d’un proche de gente masculine, en cette occasion cette loi est transgressée. Cette fête atteste périodiquement de l’unité de la communauté, qui peut alors admettre de nouveaux membres.

L’aïd : valeur matérielle ou spirituelle ?

L’aḍḥâ se caractérise surtout par les repas conviviaux échangés entre parents, amis et voisins, et des dons aux pauvres de la communauté. Comme la société algérienne est en pleine mutation socio-économique et culturelle : la baisse du pouvoir d’achat a des retombées directes sur les festivités de l’aïd. Le mouton qui était autre fois un symbole de sacrifice religieux pour s’approcher de Dieu et se faire pardonner, est devenu une source de frime et de la vantardise du rang social, de plus en plus le mouton est gros son prix est exorbitant. Il est devenu un symbole de richesse et de prestige. Autrefois, on n’entendait jamais parler du prix de la bête. Pour que la fête garde ses vertus de sacrifice la famille doit faire don aux pauvres si elle mange son propre don, le sacrifice perdrait de son efficacité. La plupart des familles modestes et pauvres ne font plus don au plus nécessiteux. Ils voient dans cette fête une occasion pour faire un stock de viande rouge. Les prix de cette viande sont hors bouses de la plupart de ces familles pendant l’année. Donc on constate que la valeur matérielle prime sur la valeur spirituelle non par égoïsme ou par individualisme mais pas nécessité.

Lire aussi : L'Aaid : Entre pratiques Culturelles et Religieuses - (Première partie) 

 

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