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20 février 2019

La violence faite aux femmes - Deuxième partie

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Par : Louiza Zahra

 

Comme vous avez lu dans l’article précèdent, le sexisme et la violence faites aux femmes tirent leurs origines d’une culture archaïque.  

Pour réaliser ce papier nous avons effectué une enquête de terrain avec des mariées, célibataires et divorcées, chacune porte une histoire touchante.

 

L’éducation de la fille : ma mère mon ennemie 

Dès leur premier siffle de vie, les enfants sont attachés à leur mère, celle-ci les nourrit, leur donne de l’affection, les éduque et surtout leur inculque le code des mœurs sociales et des traditions. Elle est leur exemple et référence, surtout pour la fille.

Pendant la grossesse, notamment pour les nouvelles mariées, avoir un bébé garçon est toujours préférable pour assurer sa place dans sa belle-famille et garantir en quelque sorte la stabilité de son couple, d’ailleurs la mère implore dieu pour que sa fille ait un garçon « Dieu t’accorde un garçon en premier ».

Pour s'intégrer et gagner la confiance de la belle famille et être respectée, la femme doit donner naissance à un garçon. La fécondité occupe une place cardinale dans la protection du lien conjugal, voir décisive pour la vie du couple. La fécondité n’est pas tout si la femme enfante que des filles, elle sera marginalisée parfois répudiée. A ce jour dans certaines familles en Algérie, des femmes ont été rejetées faute de ne pas pouvoir accoucher d’un garçon ! 

Ce désire d’avoir un garçon mène la femme à mettre au monde une multitude d’enfants au périple de sa vie, si elle n’y parvient pas le spectre de la polygamie se dressera devant sa porte. 

Pendant la grossesse, la forme du ventre est révélatrice du sexe du bébé, selon les vielles un ventre pointu annonce l’arrivée d’un garçon.  Le ventre un peu effacé annonce une fille. Yamina âgée de 85 nous dit « Lors de l’accouchement je ne m’inquiétai pas pour ma santé autant que je m’inquiétai du genre du bébé, heureusement que j’ai eu un garçon en premier, aujourd’hui je le regrette de l’avoir mis au monde, pour deux sous il me tabasse, il souhaite ma fin, c’est pour ça ma fille que je suis ici pour demander l’aide de l’état » [entretien réalisé à la DAS de Sétif].

Le cas de Yamina n’est pas unique, beaucoup de femmes âgées sont victimes de violence, de la violence du père, à celle du frère, à celle du mari puis à celles du fils (ou des fils) ce cycle de violence est abecqué entre la gente masculine de l’entourage de la femme, où ils puisent ses sources de l’enfance de la fille.

En dépit de tout, la femme demeure socialement invisible, l’enfant est le fils de tel monsieur ou descendant de tel grand-père, le rôle de la femme est complètement banni. Cette norme imposée par le système patriarcal est intériorisée, acceptée et reproduite par la femme elle-même.

 

De la violence symbolique à la violence physique :

La violence physique n’est qu’un aboutissement de la violence symbolique dans la plupart des cas. Dans la famille dès le bas-âge on commence à dicter à la fille ce qu’il faut et ce qui ne faut pas ; et surtout elle doit obéir et souvent on lui fait rappeler qu’elle est une fille. Les discriminations s’expriment à table au moment du repas, le père et les frères ont droit à de belles parts de viande, de fruits et de ce qui est meilleurs. Dans certaines familles, à nos jours, les hommes bâfrent en premiers et les femmes après, quel message de supériorité et d’inégalité nous renvoie cette situation ? La femme qui a préparé et a cuisiné, il lui revient la maigre part. Naila 54 ans de Ain Fekroun, nous confie « mes parents m’ont adopté à l’âge de cinq ans avec mon frère (il n’est pas mon frère de sang on était adopté à la même période),  on mangeait pas à notre faim, mon père adoptif et ses frères avec mon frère mangeaient en premier, s’il reste un peu on le partage entre femme,  ici l’hiver est très rude, on travaille dans la firme, à douze ans j’ai fugué, ma vie a tourné en cauchemar, une dame m’a récupéré pour m’exploiter sexuellement et je me retrouve enceinte à 13 ans, j’ai avorté et je suis retournée chez ma famille, mon corps a changé j’ai des seins et des formes, j’ai subi des attouchements de la part de mon oncle, je déteste les hommes et je me déteste».  Le manque d’affection et la maltraitance ont déclenché en elle la haine de l’homme et le mépris de la femme.

La fille dès son jeune âge, on lui ordonne de cacher ses formes, tandis que son frère se promène dans la maison en exhibant sa verge sous les applaudissements de sa mère ! ses tantes ! sœurs ! et grand-mères !  Ce symbole de virilité tant vénéré deviendra par la suite le mâle dominant. Les vêtements qu’on choisit aux enfants et que nous leur imposons affectent aussi leur personnalité, la fille porte des robes coquettes, des chemises à fleurs, des couleurs gaies. Et le garçon des pantalons et des chemisiers souvent des couleurs sombres. Dès la naissance le rose est destiné aux filles et le bleu aux garçons. A traves cet apprentissage de la féminité et /ou de la virilité à traves le vestimentaire, cette préparation d’apparence toute faite par l’imaginaire social détermine le devenir de la femme et de l’homme, ce processus est mis en place dès le moment de leur mise au monde.

Même en choisissant les jouets les parents inconsciemment ou parfois consciemment choisissent à leurs enfants des jouets sexés, les poupées et les ustensiles de cuisine pour les filles avec les statoscopes pour devenir médecin ou un tableau pour devenir enseignante. Tandis que les garçons prennent les jouets violents et militaire comme les armes, les voitures de courses, ou des avions ……etc.  Les formes de transmission de valeurs dans la société patriciale prennent d’autres structures, mais elles gardent l’essentiel. La famille moderne se conforme aux principes égalitaires entre filles et garçons, dans les chances de  l’éducation, le travail et déplacement mais au fond de la famille elle favorise la forme traditionnelle ou la femme est au service de l’homme, Malika une jeune benoise de 28 ans psychologue nous confie « Mes parents m’ont toujours fait comprendre que les études c’est la clé de la réussite sans les études je n’aurai pas le droit de sortir de la maison ni de travailler, ma mère a toujours insisté sur le fait de garder ma virginité, depuis le CEM avant de sortir rejoindre les bancs de l’école elle me fait rappeler que l’honneur de la famille repose sur mes épaules ». L’arrivée des règles (survient souvent pendant la période du CEM) est un moment crucial dans la vie de la fille et de la mère, cette période est censée rapprocher la mère et la fille, mais souvent on constate l’effet contraire, violence insolite s'installe sous forme de mises en garde trop menaçantes de la mère, elle ne cesse de lui faire peur et lui fait comprendre qu’elle a l’âge de devenir la proie de l’homme. Les remarques maladroites et répétitives de la mère entravent l’avenir sexuel sain de la fille. L 'insistance de ces conseils induisent ainsi la peur d'être pénétrée dans l’âme de la fille et lui faire perdre la confiance en soi et se sentir toujours vulnérable. Chose qui la poussera à chercher le réconfort dans les bras de l’homme et elle se met à sa merci. Elle cherchera donc à quitter le foyer familial, le mariage garantit l’honneur familial « sotra ».  La virginité de la femme renvoie au culte religieux qui impose que la lignée doit continuée dans la pureté. L’instrumentalisation de la religion n’est qu’une autre forme pour exercer une violence morale sur la femme afin de contrôler sa vie intime et privée, et même exercer une certaine emprise sur sa conscience et sa prise de décision et la convaincre que la soumission à l’homme est l’un des chemins qui mène au paradis. La religion vient renforcer le rôle masculin et lui donne tous les pouvoirs et divise l’asphère publique et privée, et s'accapare le corps de la femme et son entité pour les mettre au service des besoins familiaux.

 

La femme est l’ennemie de la femme

Même la femme peut adopter deux postures opposées, qu'il s'agit de sa fille ou de sa belle-fille. En effet, la même femme, mère et en même temps belle-mère. Pour l’intérêt de sa fille, elle manipule l'idéologie patriarcale pour aider sa fille à sortir des griffes de sa belle-famille et de sa belle-mère, elle dénonce la domination dont sa fille est victime. En l’occurrence étant belle-mère elle mobilise le système patriarcal pour renforcer son pouvoir sur ses belles-filles. Elle peut farouchement interdire sa belle-fille de travailler ou qu'elle sorte sans son autorisation, mais elle encourage ses propres filles à travailler et qu'elles jouissent de plus d'autonomie.

 

La violence institutionnelle :

La loi algérienne met la femme au deuxième degré après l’homme, le code de la famille inspiré de la charia a fait que favoriser l’homme, cette discrimination engendre des inégalités et du favoritisme basés sur le genre, ce qui va provoquer un effet domino des inégalités sur tout l’espace social. Et pour faire accepter cette inégalité justifiée par la loi et les mœurs, la violence est le seul moyen de l’imposer. La violence sous tous ses ongles (sociale, psychologique économique et sexuelle) fait passer la femme pour une subordonnée, sous la tutelle de l’homme.

L’émergence de la femme dans l’espace public durant ces dernières années est résultante de la scolarisation massive des femmes dans les années 70 -80 qui a donné par la suite une génération de femmes enseignantes, médecines, magistrat et journaliste ... etc. Pour certains hommes la femme envahit son espace pour en faire face, il a recours à la violence à travers son discours misogyne et l'harcèlement qu’il pratique sur les femmes dans la rue, dans les bus et parfois dans le lieu de travail, cette technique d’intimidation fut privilégiée depuis la montée des extrémistes en Algérie dans les années 1990, ils visent à mettre de la pression sur les femmes afin qu’elles restent chez-elles et lui imposer le port du voile.  La femme était autre fois épanouie dans les années 70 et 80, aujourd’hui elle devient un objet de honte qu’on doit cacher et enfermer à la maison. Ces comportements intolérants témoignent d’une grande résistance au changement social. 

L’ouverture du marché du travail et l’émergence des entreprises privées, donnent naissance aux emplois précaires que les hommes fuient et les femmes récupèrent. Cet accès à l’emploi précaire fait de la femme une proie facile pour les harcèlements sexuels dans les entreprises. Même les dispositifs d’emplois proposés aux jeunes diplômés c’est une forme de violence latente qui s’exprime dans le désespoir de la jeunesse à trouver un emploi stable qui pourrait couvrir leurs besoins du quotidien.

On ne parle pas de la violence institutionnelle sans parler de la loi. Le code pénal dans l’article 336 condamne le viol, cet article parle d’une réclusion qui peut aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement, étonnement cet article ne met aucune définition du mot viol, ni d’autre forme de violence sexuelle tel que le harcèlement.

Même le code de la famille fait passer la femme au deuxième degré, dans le cas de divorce : s’il est demandé par l’homme il sera directement porté à l’état civil, si la femme porte une demande devant la justice pour le divorce, le jugement ne sera pas inscrit sans qu’il ne soit attesté par la cours suprême par un document appelé « attestation de non-pourvoi de l’époux ». Le code de la famille dans ce cas accorde à la femme un droit très précaire.   

La majorité des femmes agressées ou battues ne le déclarent pas, la majorité des violences passent sous le silence inouï de la société de crainte que la dénonciation de l’agresseur porte honte à la victime et à la famille. C’est le moment de renverser les rôles c’est l’agresseur qui doit porter la honte. Les femmes violentées par leurs conjoints risquent de se retrouver à la rue avec leurs enfants ou répudiées en buvant au quotidien de la coupe amère des belles sœurs.

Les femmes battues sont généralement des femmes sans aucun appui, sans statut social, issues de familles pauvres, généralement sont analphabètes. Ces conditions les placent sous l’emprise de la tradition et le contrôle total du conjoint. L’autonomisation de la femme est maintenue sous le statut du tutorat et de la dépendance, au mari et à la famille.

Pour lutter contre la violence faite aux femmes, il faut bien informer et former la femme, sur ses droits et l’importance du rôle qu’elle joue dans sa société.  Elle détient les clés de l’éducation et de la transmission socioculturelle des valeurs ancestrales, elle doit savoir en faire le tri. Si la femme ne prend pas conscience de sa propre valeur et continue à se dévaloriser en mettant sur un piédestal l’homme elle engendra encore une génération d’hommes opprimant la femme. Si ton fils lève sa main sur sa sœur et cette dernière se défend laisse la faire et fais comprendre à ton fils que ce soit lui ou sa sœur, à tes yeux, les deux sont égaux et que l’injustice ne doit pas se produire devant toi.

Le droit de la femme dans les sociétés patriarcales doit être imposé par la voie de la loi car les machos n’auront jamais l’intention de lui accorder le moindre droit. 

Lire aussi : La violence faite aux femmes - Première partie

 

 

Réferences :

Algerie-focus.com (2014) « Violences faites aux femmes. Place à la sensibilisation et au durcissement des lois »

Algerie-focus.com (2014) « Violences faites aux femmes. Place à la sensibilisation et au durcissement des lois »

France24.com (2015) « Loi contre la violence faite aux femmes : les conservateurs algériens mécontents »

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